Les plus belles mains de Delhi (Mikael Bergstrand, 2014)

« Göran Borg, la cinquantaine, divorcé, vient de se faire licencier. Son ami Erik, animateur de voyages organisés, lui propose de changer d'air et de quitter un temps son Malmö gris et pluvieux pour l'accompagner en Inde. Là-bas, Göran découvre un autre monde. La foule, le bruit, la cuisine épicée, le taux de change de la couronne suédoise : un vrai choc ! Sa rencontre avec Preeti, qui tient un salon de beauté à New Delhi, lui fait retrouver sa fougue d'adolescent. Pour la séduire, il invente de petits mensonges qui vont l'entraîner dans une grande enquête politique. Une plongée pétillante et colorée dans l'Inde d'aujourd'hui, où un Européen désœuvré va acquérir incidemment une conscience sociale et se construire une nouvelle vie exaltante. »

     Même en le lisant en plein mois d’août, je n’ai pas été convaincu par ce « roman de vacances ». La plus grande déception vient sans nul doute de l’histoire d’amour, insipide à souhait. Il faut dire que Preeti, la femme indienne dont s’éprend le narrateur, ne présente pas un intérêt fou. Elle mesure 1,90 m, est mariée et n’a pas la moindre once de personnalité. Le suspense à son sujet se révèle haletant jusqu’à la dernière page : on brûle de comprendre ce que trouve le héros à cette supposée femme idéale. Malheureusement, et sans vouloir spoiler, je suis pour ma part sorti bredouille de ma lecture ! Le narrateur est quant à lui à peine mieux loti. Subtil mélange d’ado attardé, de loser et de « Suédois moyen », il ne fait lui non plus pas spécialement rêver. L’anti-héros classique, me direz-vous, mais il reste que je ne suis jamais vraiment parvenu à me prendre de sympathie pour lui. Au moins se rattrape-t-il un peu par son humour corrosif, dont il fait entre autres preuve au cours de la rédaction d’un article savoureux sur le curry. Mais cela reste un peu léger d’autant que, et je ne sais pas si c’est à mettre sur le compte du texte original ou de la traduction, son langage s’avère parfois très enfantin : on imagine mal un « quinqua » dire « mon nouveau boulot était vraiment cool » ou « on s’entendait super-bien ». 

     Finalement le personnage le plus intéressant se révèle être Yogi, meilleur second rôle du roman. Certes, il débarque un peu de nulle part dans la vie de Göran, mais il vient surtout apporter une dose de piment bienvenue au récit. Un homme aux nombreuses croyances, relevant autant de la religion que de la superstition, qui permettent de découvrir un pan de la culture et de la mentalité indiennes, et sont aussi l’occasion de réflexions cocasses, notamment lorsqu’il s’obstine à voir des « signes » partout, même les plus tirés par les cheveux ! Oreille attentive, conseiller farfelu mais pertinent, ami fidèle et optimiste : ce guide pour le moins atypique apporte à l’existence de Göran ce zeste de folie qui lui manquait grandement. À vrai dire, on est même presque en droit de se demander si le véritable coup de foudre du narrateur ne s’appelle pas Yogi plutôt que Preeti ! L’autre point fort de ce récit – qui aurait gagné à être traité plus en profondeur – repose sur sa peinture sans concession de la société indienne : corruption, petits boulots et exploitation, entre autres, sont ainsi mis au jour. La présence récurrente dans le texte des senteurs si caractéristiques – et pas toujours ragoûtantes – de New Delhi ajoute en outre un plus à son caractère immersif. Cependant, malgré ces quelques points positifs, je reste assez déçu par ce roman inégal et un poil superficiel qui semble notamment passer à côté de l’un des aspects principaux du récit : son histoire d’amour. Pas vraiment incontournable, donc.