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La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
27 décembre 2017

La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert (Joël Dicker, 2012)

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      La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est peut-être LE livre de la rentrée littéraire 2012 : le roman du Suisse Joël Dicker a notamment remporté le Prix Goncourt des Lycéens et le Grand Prix du Roman de l’Académie française, deux des consécrations les plus prestigieuses. Pas mal pour un auteur de 27 ans ! Le revers de la médaille de ce succès impressionnant, c’est que le texte a reçu des critiques parfois féroces, en particulier sur le plan du style. Je dois dire que pour ma part, je me suis plongé avec délice dans cette histoire. J’irai même jusqu’à parler, à propos des 200-250 premières pages, d’une certaine euphorie. Le style si décrié, même s’il n’est effectivement pas très recherché, et encore moins « littéraire » (le roman ne mérite à ce titre probablement pas son prix de l’Académie française), n’en demeure pas moins extrêmement agréable à lire. Un régal. Mais au-delà du style, c’est la mise en place dans son ensemble qui impressionne : on accroche notamment à ce narrateur, jeune romancier qui a fait un tabac il y a peu, et qui tente de récidiver en écrivant un roman ayant pour objet l’enquête qu’il mène au sujet de son ami, mentor et ancien prof, le fameux Harry Quebert, grand écrivain, qui est accusé d’avoir assassiné il y a 30 ans une jeune fille de 15 ans, avec qui il a eu une liaison.… Le rapport entre l’élève et le maître est très bien rendu, on croit à cette amitié si particulière (leur première rencontre est également captivante), le mystère autour du « meurtre » promet une intrigue policière alléchante, et les descriptions de la petite bourgade d’Aurora, avec son aspect « village » (tout le monde connaît et ragote sur tout le monde), sa fascination pour la grande ville de New York, et ses petits (ou grands) secrets, sont très intéressantes. Même l’histoire d’amour entre Nola et Harry m’a au début paru plutôt touchante. En outre, la construction originale, ponctuée de nombreux allers-retours entre passé et présent, est dynamique et stimulante. J’ai aussi apprécié la savoureuse (quoiqu’un peu schématique) critique du cynisme du milieu éditorial, et les réflexions (parfois) bien senties autour du livre et de l’écriture. On trouve des pages pertinentes sur l’intellectualisme de la critique littéraire, qui a tendance à voir de l’implicite et du symbolisme même lorsqu’il faut lire le texte au premier degré. Le roman propose aussi de bons passages autour de la crise de la page blanche du narrateur (même si le côté « création littéraire » et « inspiration » cadre finalement assez mal avec le roman que ce dernier doit « pondre », se résumant en fait au compte rendu de son enquête policière). Et on apprécie l’humour qui parsème le texte. Même s’il n’est pas toujours aussi subtil qu’on le souhaiterait, il se révèle globalement assez efficace (voir, encore une fois, l’éditeur cynique).

     Le problème, c’est que le roman fait plus de 650 pages en grand format, ce qui est déjà beaucoup en soi. Mais pour ne rien arranger, le rythme est loin d’être maîtrisé : l’ensemble est terriblement longuet. Il y a des redondances à n’en plus finir (nombreuses sont les fois où on assiste deux fois à la même scène) et beaucoup de longueurs. La lassitude due à cette lenteur rend bien plus critique et sévère la lecture, d’autant que l’histoire d’amour entre « Harry chéri » et « N-O-L-A » sombre dans la mièvrerie, et les clichés et facilités se multiplient (les personnages sont assez caricaturaux, par exemple la mère du narrateur, qui cherche à caser son fiston et craint qu’il soit homo). Même les conseils de Quebert sur le métier d’écrivain, qui se situent en début de chapitre, finissent par agacer par leur côté pontifiant, sans parler du fait que certains se résument à des lapalissades (« Un bon livre est un livre qu’on regrette d’avoir terminé »). On devrait donc être content, étant donné la lenteur et la longueur du « ventre mou » du texte, de la nette accélération de rythme dans les 100 dernières pages, grâce à une succession de rebondissements, mais il n’en est rien. Car l’auteur fait dans la surenchère : la découverte d’un nouveau coupable toutes les cinq-dix pages rend la lecture lassante et poussive, d’autant que certains coups de théâtre (en particulier ceux qui concernent Nola) sont abracadabrantesques. J’ajouterais que le roman, vendu par la quatrième de couverture comme « une réflexion sur [entre autres] l’Amérique », n’en parle finalement que très peu. Hormis quelques références, notamment à l’élection d’Obama en 2008, l’histoire aurait facilement pu se passer dans un autre pays. Autre défaut : il est dommage d’avoir montré les extraits des Origines du mal, l’œuvre de Quebert, considérée comme un monument de la littérature mondiale. Les extraits choisis, qui se résument à de plats et mièvres échanges épistolaires entre Harry et Nola, n’ont vraiment rien d’exceptionnel ! Et même s’il peut arriver que certains classiques de la littérature paraissent surévalués, ce n’est pas crédible pour un sou. Il aurait mieux valu ne rien montrer, pour faire travailler l’imagination du lecteur et cultiver le mystère autour de ce « chef-d’œuvre ». Tout cela pour dire que, malgré une entame réellement impressionnante, je sors déçu de cette lecture. C’est un roman qui avait tout pour plaire (une intrigue policière, une réflexion sur l’écriture, un style très agréable) et qui à l’arrivée est loin de tenir toutes ses promesses, notamment parce que l’auteur en fait trop (descriptions, caractères, rebondissements, voire humour), ce qui rend le texte long et un peu lourdingue. Vraiment dommage.

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Commentaires
La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
  • Bonjour, ce blog littéraire traite de mes lectures préférées mais aussi des romans que j'ai moins appréciés. Pour l'anecdote, il s'agit de la version modernisée de mon ancien blog (http://leblogdenico.space-blogs.com). Bonne lecture à vous !
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