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La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
27 décembre 2017

La Terre promise (Achdé et Jul, 2016)

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     Toujours pas… Les scénaristes du cow-boy solitaire se suivent et se ressemblent dans leur incapacité à retrouver l’esprit de Goscinny. Si le dessin d’Achdé est globalement satisfaisant, la prestation de Jul aux manettes du scénario est bien moins convaincante. Autant dire que ce 77e (!) épisode n’est pas franchement un grand cru. Un mot sur l’histoire : Lucky se voit chargé d’escorter une famille d'immigrés juifs pour leur permettre d’atteindre la « terre promise », en l'occurrence Chelm City. Passons sur l’originalité relative du pitch : après tout, même à l’époque du grand René, les intrigues de base tenaient souvent sur une feuille de papier à cigarette. C’est davantage le développement qui m’a laissé sur ma faim. L’ensemble est ennuyeux, car mal rythmé en plus d’être déjà vu. On est bien loin de la « grande épopée » annoncée en début d’histoire ! Bien sûr, le quota des scènes indispensables (ou pas…) est respecté, avec les Indiens, le saloon, les méchants... Mais que tout cela est mécanique ! En guise d’exception qui confirme la règle, la première page, qui met en scènes des vaches se remémorant sans grande nostalgie les exploits de Lucky Luke, a le mérite d’être assez novatrice. Mais on bascule très vite dans le conventionnel, avec en prime des personnages assez fades, qu’ils soient nouveaux ou récurrents. Les deux méchants sont ainsi désespérément plats : on est bien loin, par exemple, du duo de choc de La ville fantôme ! Jolly Jumper, qui se montre d’habitude si caustique, brille quant à lui par son absence, et ses rares interventions n’ont rien de mémorable… Il faut croire que la fadeur est une maladie contagieuse, puisque son éternel compagnon de route souffre du même mal : Lucky Luke n’a décidément plus ce mélange de désinvolture, de fermeté et de malice qui faisait jadis son charme. Même son langage est méconnaissable : il utilise à plusieurs reprises le mot « ben » (« bon ben », « eh ben », « ben si »…) qui ne lui ressemble absolument pas ! Et puisqu’on aborde la question du vocabulaire, le terme « engueuler » n’est pas le bienvenu dans un Lucky Luke, fût-il prononcé par un cheval !

    La famille Stern ne rentrera pas non plus dans les annales. Le petit est trop gentillet, le grand-père a la trogne du doyen des O’Timmins, et la grand-mère se révèle être un cliché absolu de la mère juive. Pour cette dernière, vous me répondrez que c’est voulu, mais ça ne me fait pas tellement rire. D’ailleurs c’était le seul personnage de Florence Foresti que je ne trouvais pas drôle, à l’époque où elle était chez Ruquier. Mais je crois que je m’égare un tantinet… Pour en revenir à cette famille Stern, on nous prévient au début qu’ils ne parlent pas bien l’anglais, alors qu’ils le maîtrisent en fait parfaitement… Comprenne qui pourra ! Heureusement, on trouve quand même quelques belles trouvailles, comme ce premier clin d’œil à Rabbi Jacob (le second – la danse – n’était en revanche pas indispensable), une référence bien trouvée à Star Wars ou quelques habiles jeux de mots, à l’image de celui qui concerne les Pieds-Noirs. D’autres traits d’esprit sont en revanche moins heureux, comme le prêt-à-porter, et certains clins d’œil se révèlent assez lourds (Moïse, Goliath, Levi’s…). En fait, Jul veut trop en faire, au détriment de la qualité de l’humour, donc, mais aussi du scénario, un peu délaissé… Dans ma magnanimité, je fermerai en revanche les yeux sur le langage « petit-nègre » et l’emploi du « je » des Indiens, qui m’avaient dans un premier temps interpellé. Rien à redire finalement à ce sujet, puisqu’ils s’exprimaient ainsi dans Alerte aux Pieds-Bleus. Idem pour la chanson finale (« I’m a poor lonesome cow-boy, far away from home »), qui ne me semblait pas fidèle à l’habituelle (« I’m a poor lonesome cow-boy, and a long way from home »). Mais cette version moins courante choisie par Jul a déjà bien été employée dans le « canon », par exemple dans Les rivaux de Painful Gulch. Je reconnais donc avoir été par deux fois contraint de rentrer les griffes, à ma grande déception de gardien du temple prêt à bondir au moindre faux pas. Blague à part, je reste globalement déçu par ce nouvel opus. Et je note avec une certaine amertume que le dernier vrai bon épisode de l’ère post-Goscinny n’est autre que Le Daily Star, paru en… 1984. Triste constat, qui a cependant le mérite de me donner envie d’entamer une nouvelle ruée vers l’(âge d’)or…

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Commentaires
La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
  • Bonjour, ce blog littéraire traite de mes lectures préférées mais aussi des romans que j'ai moins appréciés. Pour l'anecdote, il s'agit de la version modernisée de mon ancien blog (http://leblogdenico.space-blogs.com). Bonne lecture à vous !
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