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La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
27 décembre 2017

Au revoir là-haut (Pierre Lemaitre, 2013)

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     Il s'agit sans nul doute du roman de la rentrée littéraire 2013. Au revoir là-haut a dès sa parution connu un gros succès, y compris parmi les internautes, avant de rafler un prix Goncourt qui lui était promis depuis de nombreuses semaines. Que penser de cette œuvre signée Pierre Lemaitre, écrivain qui s’était jusqu’ici illustré dans le domaine du polar ? Pendant un certain temps, j’ai vraiment cru que j’avais entre les mains un coup de cœur. D’abord, il y a l’originalité du thème abordé : le roman ne traite pas de la guerre de 14-18, qui n’y figure que dans les premiers chapitres (percutants, malgré la présence d’une phrase mensongère qui m’a un peu déplu), mais ce qui se déroule par la suite, et notamment le commerce de la mort. Ceci à travers trois personnages principaux : Albert, doux rêveur un peu loser, Édouard, défiguré – en voulant sauver Albert – qui décide de changer d’identité après la guerre pour ne plus avoir affaire à sa famille, et Pradelle, salaud absolu. J’ai beaucoup apprécié les personnages. Albert est attachant par son côté mou et passif, c’est l’anti-héros parfait. Édouard est touchant par ce qu’il subit, et son évolution est intéressante : d’abord dépressif, il retrouve goût à la vie avec un projet d’arnaque autour de monuments aux morts, projet qui vire rapidement à l'obsession dévorante. Quant à Pradelle, c’est typiquement le personnage que l’on adore détester. Hautain, méprisant, autoritaire, cynique, sans scrupule, cruel et j’en passe : sans aucune nuance, c’est LE méchant par excellence. Colonel sadique durant la guerre, il se marie ensuite pour se rapprocher des puissants et monte une société de vente de cercueils, quitte à martyriser les corps des défunts pour faire des économies… Le côté caricatural du personnage le rend particulièrement savoureux. En revanche le personnage, un peu plus secondaire, de Péricourt, beau-père de Pradelle et père d’Édouard, est bien plus complexe et nuancé, ce qui le rend tout aussi intéressant, mais d’une manière différente. Bref, on a droit à une belle galerie de personnages très bien campés. Le style est par ailleurs très bon. Un minimum recherché (on retrouve par moments le parler de l’époque), et surtout diablement efficace, c’est un grand plaisir de lire le texte, proportionnel au plaisir – évident – qu’a pris l’auteur à l’écrire. Cette façon d’entrer dans la tête et les états d’âme des personnages rend encore plus prenante la lecture. Ajoutons à cela quelques réflexions intéressantes sur le deuil et la culpabilité, et un zeste d’humour qui n’est pas de trop.

     Mais au fur et à mesure de ma lecture, j’ai déchanté. Le roman est extrêmement long et lent. Autant j’apprécie l’aspect psychologique du récit, autant le fait d’y recourir à tout bout de champ devient réellement lassant. À la fin, j’avais franchement envie d’en finir. La longueur est donc LE défaut de ce roman. Les autres sont moins graves, mais il faut tout de même les noter. Ainsi, je suis resté sur ma faim au sujet du quotidien de l’après-guerre. À force de se consacrer aux personnages, l’auteur finit par sous-traiter cet aspect pourtant vraiment intéressant et important… J’ajouterai que certains passages m’ont paru assez peu crédibles, comme les facilités scénaristiques – le monde est vraiment petit dans le roman. La fin notamment semble tirée par les cheveux. À moins que j’aie loupé quelque chose, j’ai également du mal à croire qu’Albert se soit improvisé comptable si facilement (à moins qu’il l’était avant la guerre ?). Quant à sa combine, elle m’a plus ou moins échappé. De même, je n’ai pas tellement compris, étant donné les circonstances, pourquoi Édouard voulait couper les ponts avec sa famille. Il se tire une balle dans le pied de cette manière, ce qui n’arrange pas les choses, et à ce propos, l’aigreur qu’il ressent à l’égard d’Albert (à cause duquel il est défiguré) est sous-traitée, tout comme l’histoire d’amour de ce dernier, sans grand intérêt. En outre, la quatrième de couverture nous explique que l’auteur cherche à souligner le contraste entre la glorification des morts et la négligence voire l’oubli à l’égard des survivants. Dans les deux cas, j’ai trouvé les choix scénaristiques de l’auteur un peu contestables, car Édouard, qui a changé d’identité, est officiellement mort : normal qu’il soit oublié par l’État ! En outre, on ne peut pas dire que les morts soient tellement choyés dans le roman, quand on se base notamment sur la manière dont Pradelle les maltraite en proposant des cercueils miniatures et de piètre qualité. Alors certes, l’État n’est pas au courant des agissements de Pradelle, mais à l’arrivée, je trouve que le sujet initial (la « glorification » des morts) passe un peu à la trappe. Bref, une lecture qui partait vraiment bien mais qui a fini par me lasser (entre autres) par sa longueur et qui à l’arrivée me laisse une impression assez mitigée. Dommage, car l’auteur a du talent. 

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Commentaires
La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
  • Bonjour, ce blog littéraire traite de mes lectures préférées mais aussi des romans que j'ai moins appréciés. Pour l'anecdote, il s'agit de la version modernisée de mon ancien blog (http://leblogdenico.space-blogs.com). Bonne lecture à vous !
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