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La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
23 décembre 2017

Les Trois Médecins (Martin Winckler, 2004)

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     Les Trois Médecins est un roman signé Martin Winckler, écrivain et médecin français qui s’était déjà illustré quelques années plus tôt avec La maladie de Sachs, un texte restituant le quotidien d’un généraliste. Les trois médecins s’intéresse, lui, à l’étape inférieure : la formation, le chemin à parcourir pour devenir médecin. Difficile de résumer un roman foisonnant, riche et polyphonique comme celui-ci. Pour simplifier, l’histoire est centrée sur quatre étudiants en médecine découvrant le métier, d’abord par les (très difficiles) premières années universitaires, puis leur premier stage, avec en prime les états d’âme que celui-ci peut générer. Les apprentis-médecins se nomment Bruno, Basile, André et Christophe. Les trois médecins sont donc en réalité… quatre, comme dans le célèbre roman de Dumas (la manière dont se rencontrent nos héros est également un hommage évident aux Trois Mousquetaires). Le roman de Winckler est lui aussi une belle histoire d’amitié : les quatre étudiants deviennent vite inséparables, et on s’attache petit à petit à chacun d’eux, grâce à la dextérité de l’auteur à nous plonger dans leur existence, en dévoilant leur personnalité propre et leur vie privée. Il y a ainsi André le séducteur, Basile le bon vivant, Christophe, le plus âgé, qui a beaucoup bourlingué et ne s’est jamais remis d’une blessure sentimentale, et puis le jeune Bruno, qui file le parfait amour avec une de ses professeurs, et connaît par ailleurs des événements tragiques...

     Ce roman est absolument passionnant. Au-delà des personnages attachants, on est captivé par l’aspect historique du texte (il se déroule dans les années 70, et débute au moment où la loi sur l’IVG est sur le point d’être votée), ses nombreux rebondissements et sa structure si particulière : le lecteur passe régulièrement d’un personnage à un autre (et il y en a des dizaines !), ce qui l’égare un peu pendant une cinquantaine de pages, puis finit vite par l’enthousiasmer, dans la mesure où les changements réguliers de narrateur apportent rythme et dynamisme à la lecture. On se délecte également des chapitres restituant les conférences sur les qualités nécessaires du médecin (qui, on s’en doute, sont loin de se limiter à de simples connaissances, si pointues soient-elles), notamment son sens de l’observation qu’il doit développer au maximum (une habitude qui vire à la manie, si bien que selon le conférencier, « vous vous mettrez à poser des diagnostics rien qu’en voyant les gens entrer »). Un régal. Et le livre prend de temps à autre une dimension purement documentaire quand, entre deux aventures de nos héros, l’auteur insère des témoignages (a priori) authentiques d’étudiants, sur les raisons de leur choix d’étudier la médecine, leur première année ou encore leur premier stage. Des exemples toujours très variés et enrichissants. 

    Évidemment, on peut tout de même trouver des défauts au roman : le manichéisme, par exemple. Nos quatre héros, si attachants soient-ils, sont un peu trop « purs et parfaits » pour être vraiment crédibles : dès leur premier jour de stage, ils se débrouillent comme des chefs et se révèlent tout de suite humains et consciencieux. Les « bons » s’opposent ainsi totalement au cynisme absolu de LeRiche, le doyen de l’université, et de son bras droit, Mathilde Hoffmann. On trouve aussi dans cette brique de 750 pages quelques passages à vide, comme l’affaire du stylo, et plus généralement les dernières séquences du texte, qui a tendance à légèrement s’essouffler et perdre en crédibilité (en particulier l’affaire Mathilde Hoffmann, particulièrement abracadabrantesque). En outre – mais c’est plus subjectif – j’ai moins accroché à l’aspect « politique » du roman : tout ce qui concerne Le Riche et les querelles de pouvoir. L’importance de ces intrigues m’a semblé moins évidente, dans la mesure où elles n’ont le plus souvent pas de rapport direct avec l’apprentissage des étudiants. Enfin, je regrette un peu le manque de recul de l’auteur dans son évocation de la médecine, qu’il prend sans doute un poil trop au sérieux. Quelques points faibles, donc, qui n’empêchent cependant en rien Les Trois Médecins d’être un roman passionnant, empli d’humanité, où se côtoient à la fois amitié, amour et parfois aussi la mort, et où l’on trouve avant tout une approche particulièrement aboutie des études de médecine, et par extension, de la fonction de médecin. Pour faire court : captivant, riche, émouvant et instructif. Excellent roman !

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Commentaires
La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
  • Bonjour, ce blog littéraire traite de mes lectures préférées mais aussi des romans que j'ai moins appréciés. Pour l'anecdote, il s'agit de la version modernisée de mon ancien blog (http://leblogdenico.space-blogs.com). Bonne lecture à vous !
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