Kililana Song 1 et 2 (Benjamin Flao, 2012/2013)

     Au tour maintenant d’une bande dessinée fort intéressante : Kililana Song, constituée de deux volumes de 120 pages chacun. Une œuvre peu aisée à résumer, tant elle semble prendre de directions différentes : dans cette histoire, qui se déroule dans le Kenya actuel, on suit entre autres :

- un jeune garçon qui fait l’école (coranique) buissonnière au grand dam de son frère zélé en matière de religion ;

- un capitaine de navire (au langage savoureusement « fleuri ») mêlé à un trafic de drogue ;

- des Occidentaux – dont la condescendance est habilement soulignée – qui veulent construire un vaste complexe, quitte à éliminer un arbre « magique » qui a le tort d’occuper une partie du terrain…

     Le premier tome se révèle donc narrativement assez déroutant, mais se lit néanmoins avec grand plaisir : les multiples petites tranches de vie donnent une idée du quotidien dans une ville kényane, et apportent au récit une fraîcheur enchanteresse, sans pour autant basculer dans l’idéalisme, puisque plusieurs sujets sensibles, comme la prostitution et les ravages de la drogue, sont également mis en exergue. Le second volet m’a en revanche un peu moins convaincu : le fil conducteur apparaît enfin, mais l’ensemble semble assez confus, et l’aspect mystique ainsi que l’apparition de terroristes contrastent avec le côté « ordinaire » qui faisait le charme de l’épisode précédent. Mais venons-en sans plus tarder à la plus grande force de la BD : son graphisme de toute beauté – en particulier dans le premier tome. Les dessins, en aquarelle, sont tout bonnement sublimes. L’auteur-dessinateur Benjamin Flao se révèle particulièrement inspiré avec les paysages, notamment l’eau et les bateaux (cf. par exemple le port de la page 83 du premier volume). Il fait montre d’une parfaite maîtrise des couleurs (le jaune-orangé de la page 98) et de la sobriété (partie inférieure de la page 13). De vraies œuvres d’art, je n’exagère pas ! L’immersion graphique est totale. En revanche, niveau dépaysement, les dialogues m’ont un peu laissé sur ma faim : non pas qu’ils soient intrinsèquement mauvais, mais on les croirait presque sortis du café du coin, ce que j’ai trouvé fort dommage. Sans parler des fautes d’orthographe parfois grossières… Bref, c’est une BD loin d’être parfaite mais qui présente de réels attraits, notamment sur le plan graphique, où elle se révèle une incontestable réussite.