Petite voleuse (Michael Cho, 2014)

     Avec Petite voleuse, Michael Cho, Canadien d’origine coréenne, livre un joli premier roman graphique. Ou BD, au risque de paraître vulgaire. Visuellement, le concept est plutôt osé, puisque la seule couleur (hors noir et blanc) utilisée par l’auteur n’est autre que le rose. Audacieux donc, et finalement pas déplaisant, même pour moi qui ne suis pas franchement adepte de cette couleur. Cela dit, j’avoue que j’aurais bien aimé savoir ce que cela aurait donné en orange… Graphiquement, j’ai notamment apprécié le jeu des regards, tout en nuances et subtilité, ainsi que la « peinture » de la grande ville (New York ?) dans laquelle se noie notre héroïne. Sur le plan de l’histoire, les thèmes abordés ne sont pas révolutionnaires, mais sont néanmoins traités avec un certain brio. On pense à la solitude de Corrina, déclinée dans tous les domaines : ce personnage pour le moins décalé a pour principaux compagnons son chat, ses écrans et ses rêves de grandeur. Des rêves qui contrastent d’ailleurs fortement avec les multiples désillusions qu’elle subit… On pense aussi au monde cynique de la publicité – même si l’auteur reste finalement relativement modéré à ce sujet. Cho n’hésite pas à saupoudrer son histoire de détails qui font mouche : j’ai particulièrement apprécié le personnage savoureusement pontifiant du patron de Corrina, de même que le traitement un brin dramatique des chaînes d’information qui nourrissent le quotidien de l’héroïne. Un passage percutant et amusant qui en quelques cases en dit long sur les travers des médias d’aujourd’hui… En revanche, je reste assez perplexe concernant le thème du vol, seul moyen que l’héroïne a trouvé de se « sentir vivante » au sein de sa morne existence. Je ne trouve pas que cela apporte grand-chose à l’histoire. J’ai également été un poil déçu par la fin, trop énigmatique à mon goût. Néanmoins, cette Petite voleuse offre un vrai bon moment de lecture. Je n’irai certes pas jusqu’à affirmer, comme Comics Bulletin, que « Cho est parvenu à capturer l’essence de l’humanité » (!), mais force est de reconnaître que l’auteur propose ici un cocktail émotion-réflexion-humour efficace, ce qui n’est déjà pas mal.

     P.S. : je déplore tout de même que l’héroïne traite avec tant de dédain son travail dans la pub. Certes, ce monde est cynique, mais celui auquel elle aspire tant, celui de la littérature, ne l’est-il pas également ? Par ailleurs, je ne suis pas d’accord avec elle quand elle dit « En cinq ans, tout ce que j’ai écrit, ce sont des accroches. Peut-être ai-je surtout peur de n’avoir aucun talent ». Je pense qu’il faut un minimum de qualités pour travailler dans ce domaine, non ?