La part du mort (Yasmina Khadra, 2004)

     La part du mort se déroule dans l’Alger des années 80. Un attentat est commis contre une sommité corrompue du pouvoir. Pour innocenter son assistant, principal suspect, le commissaire Llob va devoir mener son enquête, en fouillant le passé trouble de l’homme qui a été pris pour cible, et par là même celui du pays… Ce roman policier de Yasmina Khadra regorge de richesses. L’auteur impressionne notamment par la limpidité de son style et son délectable sens de la formule. Les dialogues et métaphores font la plupart du temps mouche – même si l’auteur a parfois tendance à légèrement en abuser. Le lecteur s’attache à chaque personnage et apprécie beaucoup l’humour, qui rend le roman savoureux, voire jubilatoire. Car ici, Khadra s’amuse, et c’est probablement ce qui fait la principale différence avec les romans qui ont fait sa renommée, comme L’attentat ou Les hirondelles de Kaboul, qui ne m’avaient pas convaincu plus que cela. Les descriptions de la ville d’Alger et de la corruption du système sont également percutantes, tout comme les terribles passages revenant sur le passé du pays, notamment ceux concernant la Guerre d’Algérie.

    On est donc, avec ces nombreuses qualités, tout proche du coup de cœur. Mais le roman ne fait que le frôler car il possède un défaut assez conséquent : il met un temps fou à réellement se mettre en route. Un temps fou, c’est 200 pages, soit la moitié du texte. Bien sûr, la première moitié n’est pas complètement vaine, elle est même en partie fort savoureuse par l’humour qui l’imprègne, et sa capacité à nous faire découvrir les différents protagonistes. Elle est seulement bien trop longue, dans la mesure où il ne s’agit que d’une introduction : l’auteur aurait sans doute mieux fait de réduire de moitié cette mise en place. La lecture de ce roman nécessite donc une réelle patience, mais que le lecteur se rassure – j'espère que je ne l’ai pas fait fuir –  l’effort sera amplement récompensé. D’une part parce que la seconde partie est bien plus rythmée et riche en rebondissements, et d’autre part car le roman dans son ensemble est d’excellente facture, tant par le style que par le ton employé (mêlant légèreté et gravité) et sa dimension fortement instructive. La part du mort demeure donc à mes yeux un roman incontournable.