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La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
26 décembre 2017

Le Sourire noir (Serge Brussolo, 1995)

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     Le Sourire noir est l’appellation « vulgaire » de l’Amazing Diet, un régime amincissant très (trop ?) efficace aux effets secondaires étranges et dangereux… Le produit ne circule que dans un parc naturel californien, où viennent décompresser des « yuppies » surmenés. Quand David Sarella, écrivain populaire, débarque dans la station en qualité de professeur de création littéraire, il comprend vite les dangers de ce « régime ». Ainsi que son importance : l’Amazing Diet intéresse en effet la CIA et la Mafia…  Ce thriller de Brussolo est inégal : le premier tiers – la mise en place de l’intrigue – est excellent, mais le reste ne suit pas. Cela démarre très bien, donc, on apprécie les nombreux clins d’œil de l’auteur : le principal concerne bien sûr David Sarella, l’évident alter ego de Brussolo.

     Par le physique tout d’abord : Sarella est en effet présenté comme « un homme barbu, aux cheveux rasés très près du crâne, à la façon des militaires. Il avait un air trop sérieux, un peu agressif qui ne lui donnait pas envie de lui serrer la main. » Et la ressemblance ne se réduit pas seulement à l’apparence : « [David Sarella] ne se prenait pas pour un artiste mais il aimait son travail […] Il avait inventé la série des ”Conan Lord qui lui permettait de livrer à son éditeur […] des histoires terrifiantes à base d’énigmes, de crimes et de mystères. Il était assez doué pour faire peur, distiller des atmosphères vénéneuses […] Tout le monde s’accordait à lui reconnaître une imagination hors du commun, même si ce compliment cachait en réalité une méfiance entachée d’un léger dégoût. » Sarella est également une occasion pour Brussolo de parler de la fascination de ses fans à son égard : « Je lis tous vos bouquins, explique un personnage à Sarella, […] Je me demande souvent où vous allez chercher tout ça. Quand vous serez mort, ce serait amusant de faire l’autopsie de votre cerveau. P’t’être qu’on découvrirait une malformation qui expliquerait tout ? » Mais l’alter ego de l’écrivain n’est pas qu’un prétexte à l’autosatisfaction, bien au contraire : Brussolo a en effet l’intelligence de se passer en dérision, notamment avec les titres « nanardeux » de son héros : « La sueur aux tempes », « Profession : cadavre », ou encore « Cercueil à louer ». Ce dernier titre rappelle d’ailleurs étrangement un vrai titre de Brussolo, Cauchemar à louer. Quant à Conan Lord, la série de Sarella, est-il besoin de préciser qu’il s’agit d’un héros de Brussolo ? Enfin, Sarella permet à l’auteur de parler de sa propre conception de l’écriture, basée sur l’efficacité et l’imagination, aux antipodes des « Français » (sic) et de ses propres élèves, lequels sont décrits comme des « ”artistes” ratés, et qui le resteraient jusqu’à leur mort, des nombrilistes persuadés de détenir une âme d’exception, les éternels amateurs d’ouvrages illisibles qui [mesurent] l’art à l’aune de l’ennui. »

     On apprécie en outre sa critique, déjà présente dans Le Chien de Minuit, du milieu éditorial et de la superficialité – voire la déshumanisation – de la société américaine… Bref, on se régale au cours de ces 150 premières pages. La scène d’ouverture, qui se termine par la mort de Sarah, une apprentie écrivain accro au Sourire noir, est très réussie. L’arrivée de Sarella dans la station, avec sa découverte des méfaits du régime, l’est tout autant, de même que ses cours de création littéraire devant ses élèves hautains et prétentieux. Brussolo y montre tout son talent : style nerveux et efficace, atmosphère inquiétante, imagination débordante… Malheureusement, l’écrivain se montre moins inspiré par la suite. Si la première partie est descriptive, et permet à merveille de faire monter la tension, le reste est en revanche décousu, et ne se limite qu’à une course-poursuite, pas vraiment maîtrisée, entre Sarella et le créateur du régime. En outre, certaines idées, malgré leur intérêt, sont trop peu, ou mal, développées (la recherche de la maison ou les effets du Sourire noir sur Sarella), quand d’autres frisent le grotesque (le village des bûcherons, notamment). Le dénouement final donne quant à lui une réelle impression de bâclé. Bref, un roman inégal, oscillant entre l’excellent et le poussif. Brussolo aurait sans doute pu beaucoup mieux faire, avec une intrigue aussi originale et les grandes qualités qu’on lui connaît. Mais ce n’est pas un scoop : l’auteur a au cours de sa carrière pris le parti de privilégier la quantité (plus de 150 romans au compteur) à la qualité…

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Commentaires
La lecture de Nico : coups de cœur (et de griffes) livresques
  • Bonjour, ce blog littéraire traite de mes lectures préférées mais aussi des romans que j'ai moins appréciés. Pour l'anecdote, il s'agit de la version modernisée de mon ancien blog (http://leblogdenico.space-blogs.com). Bonne lecture à vous !
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